Poésie entre papiers et patoises
Le techno-cabaret littéraire Liberté ! Liberté ? sʼest déployé le 19 novembre dernier au fil de textes riches et de musiques volant entre force et douceur. Ambiance tout à propos pour cette réunion discrète de poésies réapparues, au Musée de la civilisation. Impossible de se lancer dans le projet scénique dʼune rencontre poétique publique sans revenir un temps sur lʼeffervescence québécoise de jadis. Cʼest en effet la mémoire pleine du Refus global, de la Nuit de la poésie de 1970 ainsi que de la question incontournable de la libération nationale que sʼest déclenchée cette charmante soirée. Il faut dire, le thème de la liberté se promenait par-ci par-là, dans les œuvres – actuelles, pour leur part – dʼIsabelle Forest, Martin-Pierre Tremblay, Jonathan Lamy et lʼanimateur Thierry Dimanche. Ce nʼest pas avec moins de chuchotis et de silences éloquents quʼont été reçus certains de nos souvenirs les plus beaux – Claude Gauvreau et Pauline Harvey, pour ne nommer que ceux-là. Schizophrénie qui nʼen est pas vraiment une, qui nous permet de prendre élan dans le passé pour sʼélancer dans le futur. À cœur ouvert, les poésies dʼici et de maintenant nous ont fait frissonner en répondant aux divers appels lancés par les poètes dʼautrefois. Jeu historico-actuel auquel se sont superposés les tweets en direct de ceux qui sʼadonnait à commenter lʼexpérience en cours. De même, les mouvements imprévisibles et inimitables (liberté ?) de lʼanimateur étaient transmis sur scène, en simultané par webcam. Le spectateur a eu droit à une pluralité dʼétats dʼesprit synchronisés : une multitâche sʼaccomplissant avec beaucoup de plaisir, et autant de concentration.
Même sʼil a été déroutant de vivre le spectacle en compagnie de toutes ces réactions – et que, par moments, lʼintention derrière cet aménagement semblait nous échapper – lʼévènement a fait preuve de fluidité. Lʼinvitation au public 2.0 était là, dans sa version bêta. Les expressions spontanées permises via Twitter et lʼanimation virtuelle laissaient tantôt dans lʼincongruité, tantôt dans un vague sentiment de sʼêtre fait enlevés les mots de la tête. Intéressant.
Les points chauds de la soirée ont sans contredit été marqués par le groupe Magtogoek. Que ce soit dans un poème musical de 2 minutes ou différentes pièces plutôt irrésistibles, Mathieu Campagna et sa bande ont déversé un flot de charmes. Entre fa dièse, métonymies et dialecte électronique, on a hâte à l'an prochain.
Perle Fostokjian, Impact campus, 22 novembre 2011